mercredi 22 mars 2017

VIVRE TOUJOURS D'AMOUR... pp. 67 à 72 - poésies I -

Page 67 de mon livre de poésies VIVRE TOUJOURS D'AMOUR fait à compte d'auteur en 1985:
© 1985 Tyern Mahé de Berdouaré.
               Société Portugaise des Auteurs.

XXXII
EST-CE AINSI QUE LE GLAS...

Est-ce ainsi que le glas sonne le dur départ ?
Le temps n'a plus de prise et la ville s'endort
Au rythme étrange et pur d'une cloche en retard,
C'est un vide cruel, peut-être bien la mort,
Qui s'avance sans bruit. Est-ce déjà mon soir ?

Je ne veux pas mourir, je suis jeune, je suis
Encore inachevé. La mort, c'est pour de bon !
Je ne suis qu'un enfant ! Chaque jour je m'instruis !
Et je n'ai pas encor fait mon plein de saisons,
De ces printemps en fleurs je n'ai pas assez joui !

O ! j'ai peur de mourir ! Il faut que la chait meure !
Ainsi j'aurai passé comme un souffle léger
Sans avoir terminé ma chanson la meilleure...
Si tous les sans- abris là-haut sont hébergés
Alors j'aurai peut-être enfin une demeure...

p. 68

Mais pour mourir il faut, comment dire, être un homme !
Et je ne suis pas prêt ( mon monde, c'est le rêve ! )
À mourir pour de bon, par un vrai coup de gomme...
À moins que chez les morts à tout jamais s'achève
L'anxiété qui jaillit dès l'instant où nous sommes,

Car nul médicament ne peut tuer l'angoisse !
Et la Science sans Dieu débouche sur l'Abîme;
Elle dit: « Dieu est mort ! » et puis: « Je Le remplace ! »
Mais j'ai vu des couchers de soleils trop sublîmes
Pour que le souvenir du Créateur s'efface.

J'aimais les horizons crayonnés tendrement
Par la main d'un enfant qui voulait s'évader.
J'aimais les soirs brûlés qui mouraient par moments
Composant des parfums dans mon cœur attardé.
J'aimais les soleils verts figés en m'endormant.

Je vivais chaque instant, impossible à comprendre,
Héros en mal d'amour ou faiseur d'épopées
Qui naissaient dans le feu pour mourir dans la cendre.
J'aimais surtout le nuit qui tombe enveloppée
D'un essaim vaporeux que j'appris à entendre.

p. 69
Je vivais seul héros mes vers sans les graver,
Seul inventeur de la pierre philosophale,
Donneur d'Eternité pour le Temple Élevé,
Je vivais mille morts au crépuscule pâle
Laissant la sainte odeur du sang sur les pavés !

Mais j'ai lavé mes mains dans l'absurde et l'amer,
Fait patauger mes pieds dans la vase et la boue,
Confondu mes rumeurs aux râles de la mer,
Et pavillon de feu ou figure de proue
Je finis par aller visiter le désert

Où vont les pénitents. Glacé la gorge en feu,
Ivre et la langue sèche, aveugle aux yeux ouverts
Le sable me rongeait. Je croyais que les lieux
De soleil guériraient, je croyais, mon cancer
Et me donneraient l'or que la science ne peut.

J'ai tellement souffert ! ( Peut-être pas assez ! )
Et je marchais muet vers un DIEU qui m'attend...
Quand on aime on le dit sans jamais se lasser...
O je veux rattrapper la perte des instants
Et vivre ivre de Vous mieux que par le passé.

p. 70

Que faites-vous, Seigneur, des pauvres suicidés ?
Que faites-Vous de ceux qu'on retrouva pendus ?
Que faites-Vous de ceux qui jouèrent aux dés ?
Mon cœur prit si souvent le chemin des perdus...
L'amour a tant saigné de mon cœur lézardé...

Je n'osais la flétrir dans mon amour sauvage,
Et mon cœur s'est blotti comme un oiseau de pluie.
J'ai refusé la coupe où dansait son image,
Ainsi meurt le secret du désert de ma vie,
Je la perds dans la brume où pleure son visage !...

J'ai voulu te charger du trop-plein de mon cœur,
Mais tu aimais le rire alors, moi la pénombre.
Le temps a  beau passer, même aujourd'hui j'en meurs
Et mon sang coule à flot de blessures sans nombre
Et je règne en secret sur un monde de pleurs.

Si tu m'avais aimé, j'eus changé d'existence...
Mais toi, ma pauvre sœur, toi, ma bête blessée,
Tu portais en toi-même un temple à la souffrance,
Tu portais dans ton corps une plaie insensée,
Et tu te nourrissais de tragiques silences...

p. 71

Et moi, moi tout meurtri au feu qui me consume,
Moi tout pleurant d'ennui, loin des douceurs fétides,
Moi qui bus tant de fiel à la coupe amertume
Et refusai le vin de ces plaisirs putrides,
Je reste seul et rien, rien ne m'y accoutume.

La nuit pénètre en moi, la nuit de mon silence,
Et pour me consoler, pas la moindre élégie,
Pas le moindre jardin sur cette terre immense
Où reprendre ma force, où puiser l'énergie,
Pas la moindre cantate où chante l'espérance !

O je voudrais cracher ce fiel, rien ne m'étanche !
Je suis de la nuit pâle, et je hais la tristesse,
Mes yeux ne pleurent pas. Mon mal en avalanche
Sans cesse roule en moi des sanglots de détresse
Que personne n'entend ! Sauf l'oiseau sur la branche !

Que personne n'entend ! À chaque être sa nuit !
Mais mes poings ne sont pas crispés pour vous maudire !
Oui ! les ponts sont coupés ! Chaque être est incompris !
Oui ! nous nous en allons ! Et, si vous savez lire,
Vous comprenez pourquoi je n'ai que peu d'amis !

p. 72

Que personne n'entend ! Oui j'ai la gorge en feu,
Mais mon sang, savez-vous, bouillonne de: « Je t'aime »
Et je tais mille cris de mon cœur douloureux,
Et j'ai dit: « Laissez-moi ! » aux lanceurs d'anathèmes,
Je préfère être seul jusqu'au matin fièvreux.

Mais l'aube qui se lève est des plus désolées,
J'affronte le cœur las le temps qui se consomme
Sans pouvoir approcher de mes lèvres brûlées
La coupe du bonheur d'être aimé. Être un homme.
Attendre qu'on vous offre un petit mausolée !

J'entends, oui, c'est le glas sonnant le dur départ.
Le temps n'a plus de prise et la ville s'endort.
La brume est dans le cœur, dehors le ciel est noir.
C'est un vide cruel qu'on appelle la mort.
Ah ! Donnez-nous, Seigneur, quelque part à l'espoir...






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire